Elle s’est réveillée ce matin, dans une jolie chambre bleue, coincée entre deux nuages. Aux pieds du lit, une multitude d’objets lui font la cour en sautillant. D’un globe terrestre tournoyant, cerclé de métal, s’échappe une mélodie tendre, piquetée de synthés sulfureux, invisibles gardiens d’un entre-monde que l’on rêve tous de goûter. Quelques bouteilles en verre tintent joyeusement , une voiture télécommandée roule entre leur base translucide. Un orteil tâtonne la molle moquette , puis c’est un pied tout entier, rose et téméraire, qui foule le sol. Au dessus d’elle, vrombit un mobile à moteur en forme d’avion ; ses ailes, jaunes citron, fendent l’air en sifflant. Le plafond semble secoué de faibles sursauts, à la manière d’une mer repue, gavée d’écume. Un gros synthétiseur sans marque dresse fièrement sa silhouette au centre de la pièce ; ses touches immaculées lui intiment de venir, ce qu’elle s’empresse de faire, posant avidement ses petits doigts habiles sur les dents de l’instrument.
Un souffle suffit à la Création, elle qui demande à des êtres dotés de conscience de se laisser aller. C’est exactement ce, qu’une fois encore, Kettel s’empresse de faire. Son inspiration galope dans tous les sens, réveillant souvenirs et mélodies audacieuses à grand renfort de rythmes pugnaces, qui n’auraient rien à envier aux chevaliers d’antan. Il se risque même à passer tout entier du côté de la techno froide, grasse, binaire et dansante, la techno réservée aux soirées auxquelles on va pour libérer nos corps de tous les affres du quotidien, qui parfois s’acharne comme un chien de combat, quand bien même nous sommes désarmés. Bootmens , donc, qui te prend à la gorge et ne te lâche plus.
En plus, tout en discrétion, le bonhomme signe l’un des meilleurs morceaux de l’année, Ribcage , lourd de sous-entendu et non moins riche en espérance.
La voilà peut-être coincée dans cette chambre bleue pour une éternité, clignement de paupière de Titan, mais elle s’y sent terriblement bien, et, son imagination l’entraîne vers d’infinis horizons, doucement, en la tenant du bout des doigts.