Cette soirée se doit d’être inoubliable, tes potes et toi avez mis 2 plombes à vous préparer, pointe de gel hop hop le jean parfait, giclure de Vodka sur Tshirt fraîchement repassé, les pupilles éclatées la mine radieuse, on s’enfonce dans ses baskets en rigolant, la porte s’ouvre seule et c’est parti.
Tu cours à droite à gauche la tête au 7ème ciel, tu te prends un réverbère, le choc est rude, claque ta mâchoire contre le sol dur, les sons couleurs odeurs, tout se mélange dans ta tête, tu ne te sens pas très bien tu voudrais te relever mais tu n’arrives à rien, tout juste à dégueuler, d’un geste lent tu frottes ta tempe mais..
C’est plus une main mais une patte, avec des poils frisés tout autour, tu jettes un coup d’oeil malade à ton bidon, horreur, il est tout gros et rembourré, t’appuies dessus comme un taré, puis même tes pieds, plus de baskets mais à la place, 2 grosses pattes et coussinets.. Tant bien que mal tu te redresses vers les étoiles, que dalle, c’est bien une nuit sans rêve, et toi, pauvre couillon, tu viens juste de te transformer en ourson.
Petit ours en peluche miteux, à peine plus grand qu’une bouteille, tu hurles le nom de tes copains, mais y’a personne, la rue est vide, tout comme ta tête, coup de patte derrière l’oreille, tu te mets en route, ils doivent être à la fête…
De toutes tes forces d’Ourson tu te hisses sur le balcon, par l’ouverture d’une porte fenêtre, tu te glisses dans la baraque, tout est foutraque, les basses t’agressent et te caressent, ton côté humanoïde reprend le dessus, tu gesticules au son du morceau, bien décidé à t’éclater, un petit bond puis déhanché, ooh yeaaah..
Tu fermes les yeux et te sens bien… jusqu’à l’instant, PUTAIN, un type vient de te mordre la main, plus de patte, bon sang mais c’est un loup, un gros loup noir qui claque des dents , un gros loup noir aux yeux ardents, flippant, il s’approche un peu plus, museau contre museau, la Mort galope sur tes frêles épaules de petite peluche perdue lorsque soudain, d’un coup de patte furieux, un gigantesque ours brun fait virevolter le loup plus loin, tel un vulgaire sac de poussières. Tu regardes autour de toi, un lion, quelques lapins, des chimpanzés, une gazelle toquée, carotides arrachées, litres de sueur animale contre les murs, un koala bourré avale un mulot désespéré tandis qu’une troupe de lémuriens grignotent les petits fours posés sur la table du fond, explosion, un chasseur basané envoie le jaguar au tapis, zizanie, une tortue te prie de te dépêcher, affolé, tu sautes par une fenêtre ouverte, et cours sans te retourner, au hasard des rues torsadées, blessé, la langue pendante, tu trouves en toi la force d’escalader un mur à moitié rongé par la dureté du Temps, tu te blottis entre les pierres rugueuses, la pupille alerte quant aux bruits de la nuit.. et attends..
Coincé dans le creux d’un mur délabré, la peluche a beaucoup de mal à respirer.
Le matin débarque silencieusement, un rayon de soleil après l’autre, caressant les poils abîmés de l’ourson abandonné, humbles reflets essoufflés, fatigués, les ombres humaines petit à petit apparaissent.
Mais quel est donc ce bruit?
Le rire enjoué d’un jeune enfant, main dans la main avec sa maman, oh, regarde, là, entre les briques!!
on dirait un ours! maman, s’il te plait, je voudrais juste l’en extirper!!! maman, je t’en prie, attends, je dois le…..
Les silhouettes s’écartent vivement, à contre-coeur pour la plus petite d’entre elles, l’ourson soupir, triste sourire sur ses lèvres molles, ses pattes cessent de lutter, le mur se fait plus pressant, alors, doucement, ses yeux se ferment. .