Panique Aquatique
À la surface, en profondeur, les ailes de quelques oiseaux congelés taquinent les flots, à leur manière.
Sous les nombreuses croutes de glace fraiche se réunissent des batraciens, l’air préoccupé, la langue recroquevillée à l’intérieur. Les remous causés par les battements de plume agacent les grenouilles qui croassent hargneusement. Le gros crapaud, lui, se montre plus réfléchi et leur intime le silence, d’un gros cri guttural qui force le respect.
Après quelques minutes de débats enflammés, les esprits s’échauffent, les coeurs bouillonnent et se laissent allègrement déborder par des flots de vulgarités acides, balancées à la gueule du voisin comme autant de cadavres d’anonymes jetés en fosse commune. Le monde aquatique est en ébullition, et, sous l’œil triste d’une poignée de têtards hagards, les vénérables batraciens commencent à se bouffer les chairs, peau élastique goût « algues fatiguées », laissant régulièrement échapper de gros rots hors des gosiers cannibales.
Au centre du lac, maman canard scrute les profondeurs à la recherche de nourriture pour ses petits, pelotonnés sur la berge. Claquements de becs anesthésiés par le froid, secousses liées aux morsures du vent, les canetons patientent sagement, les pattes repliées sous eux. Le plus petit redresse soudain sa tête hirsute , le regard illuminé: la cane s’approche à vive allure, le bec débordant de victuailles, lambeaux verdâtres et pustuleux, encore chauds du sang qu’ils contenaient quelques instants plus tôt…