Le temps, vif et clair, écarte ses jambes interminables sous le nez d’une femme aux yeux tristes.
Une longue journée de spleen, qu’elle passera sans mot dire, frileusement enveloppée dans ses peaux de bêtes moelleuses.
Le même rêve têtu gigote au fond de sa boite crânienne et l’empêche de se concentrer.
L’horloge molle fixée au mur du salon signale l’heure de la prière.
La femme traîne sa mélancolie jusqu’à l’entrée du Temple. D’un coup d’épaule flegmatique, elle pousse le lourd battant de bronze qu’une putain lécherait pour un bol de bouillon brunâtre.
Un étroit chemin bordé d’arbres glacés descend vers le village en zigzagant. Personne ne l’emprunte plus depuis des lustres, si bien qu’une mousse gazeuse étale ses touffes éparses en maints endroits. En plissant les yeux, la femme distingue une nuée de petites mouches sombres, nuages électriques et bourdonnant, qui se déplace à l’unisson.
L’atmosphère a des relents de cristal, un vieux bonze atteint de cécité céleste assène de puissants coups de marteau sur le front d’un gong massif et fière, la face léchée de cicatrices.
De toutes les femmes seules, c’est elle la plus chanceuse. Un genou à terre, elle enfonce le bout de ses doigts dans la fourrure d’un chat crevé, petit matou rêveur, qui s’est traîné boyaux à l’air afin de venir mourir en ce lieu tranquille.
Sous ses yeux doux, des larmes scintillent et se dissipent au gré de sa respiration. Le toit en coupole s’est écroulé il y a peu, mais les murs sont intacts. Au centre du temple , la femme dépose délicatement le petit corps sans vie et de ses lèvres humides s’échappent quelques prières.
Le Roi se meurt.