Crystal Castles – III
2012
Je la revois devant ce club, au fond d’une nuit sans lune, adossée à un mur couvert de mousse fondue; ses pieds pataugeaient dans des flaques de lumière bleue, son rire ardent me brouillait les tripes. Je l’ai sentie tout contre moi, sans artifices, la chaleur de ses lèvres glissant le long de ma nuque, bondissement étouffés de limace tiède , en cercle, comme pour tracer cette fragile auréole au goût regret que j’ai longtemps cherchée.
Un coup d’oeil furtif sur la pochette suffit à l’envoûtement d’étendre son emprise en toute quiétude :
« Trépidant tombeau à coeur ouvert, accueille la mère et Son fils sans trembler, puis laisse tes parois sales se tortiller sous les caresses taillées au sable sec de cette Main, (pâle comme le pouce d’un nourrisson mort-né) . N’aie crainte, dans peu de temps, je partirai.
L’échine courbée en direction d’une boue teintée de rouge, j’agripperai ton cadavre pour l’écorcher afin de revêtir ta peau comme une cape triste, et tu pourras tremper tes mèches dans le flux de mes larmes acides, mâchouiller ce qu’il reste de mon âme, Toi qui m’a tout pris, n’oublie pas d’éteindre en partant.
Si j’ai longtemps ignoré cet album, c’est parce que je savais comment ça finirait. Et j’en vomis des litres d’eau sur le carrelage de ma cellule. Un prêtre passera probablement par là, à l’occase. Il n’aura qu’à se servir afin d’asperger le front de ceux qui ne peuvent pas voir, les bêtes dépourvues de globes oculaires, ces bestioles dont les queues repliées chatouillent le menton des étoiles, gigantesques Chimères nourries au mamelon de la Survivance, malades de vivre sur un sol qui régurgite le moindre de leur mouvement.
ah, voilà le genre de trucs auxquels tu songes avec ce skeud dans les oreilles, et ça me glace la nuque d’affronter ça.. surtout qu’on aurait pu choisir l’autre passage, le p’tit chemin tranquille et parfumé , bordés de cerisiers en fleurs, nos visages tendus vers le soleil, l’arrête du nez chatouillée par la sueur d’une belle soirée de printemps. »
Oublie. La chanteuse balaye le tableau idyllique d’un revers de la voix, et l’on se retrouve la gueule dans les limbes, groggy et fascinés par ce timbre fantomatique échappé d’Outre-Tombe qui résonne, résonne, résonne, à te rendre complètement fou.
troublant!