Blue Train
John Coltrane – 1957
Les bouffeurs d’herbe, indisciplinés et braillards, piétinent les carreaux froids du corridor. Je me suis planqué en salle 103, sax à la main. L’instrument fatigué a l’anche qui bave.. j’attends, les yeux rivés sur la porte. Un bestiau toqué renifle la poignée, je l’entends gratter le sol. Les sabots ébènes du monstre perdent patience, s’usant avec férocité. D’un mouvement félin, j’opère un repli stratégique derrière le piano, collant mon dos en sueur contre le corps en bois de hêtre, qui s’empresse de me murmurer à l’oreille de bien sombres présages.
La porte craque et cède à un claquement de corne ultra violent, je perçois les tremblements de peur d’mon saxophone entre mes doigts; la bête immonde prend tout son temps, savourant sa victoire, et pénètre dans la pièce d’un pas étonnamment léger. Une cymbale m’offre son reflet , un haut-le-corps incontrôlable agite mon squelette, je trouille! À une poignée de centimètres du piano , le monstre s’arrête, collant sa truffe au sol, soufflant comme un beau diable.
J’approche l’anche de mes lèvres sèches et souffle dans l’instrument. Que fanfaronne la mélodie! Sûre d’elle, la voilà qui chatouille les genoux de la bête, tirant sur ses moustaches et sur sa queue. Muée par l’énergie du désespoir, rien ne semble pouvoir l’arrêter : elle s’en prend aux tables, aux fenêtres, aux autres instruments endormis. Du pied je marque le tempo en me mettant debout. J’ose enfin affronter mon adversaire de face, je fixe ses prunelles tout en jouant. Maître suprême de l’atmosphère, j’enchante les êtres et entités . Au contact des morceaux fiévreux qui s’enchaînent, mon pouvoir grandit, dévorant goulûment la bête, pétrifiée par l’horreur. Comme un relent mélancolique, de rêves depuis longtemps effacés.
La porte craque et cède à un claquement de corne ultra violent, je perçois les tremblements de peur d’mon saxophone entre mes doigts; la bête immonde prend tout son temps, savourant sa victoire, et pénètre dans la pièce d’un pas étonnamment léger. Une cymbale m’offre son reflet , un haut-le-corps incontrôlable agite mon squelette, je trouille! À une poignée de centimètres du piano , le monstre s’arrête, collant sa truffe au sol, soufflant comme un beau diable.
J’approche l’anche de mes lèvres sèches et souffle dans l’instrument. Que fanfaronne la mélodie! Sûre d’elle, la voilà qui chatouille les genoux de la bête, tirant sur ses moustaches et sur sa queue. Muée par l’énergie du désespoir, rien ne semble pouvoir l’arrêter : elle s’en prend aux tables, aux fenêtres, aux autres instruments endormis. Du pied je marque le tempo en me mettant debout. J’ose enfin affronter mon adversaire de face, je fixe ses prunelles tout en jouant. Maître suprême de l’atmosphère, j’enchante les êtres et entités . Au contact des morceaux fiévreux qui s’enchaînent, mon pouvoir grandit, dévorant goulûment la bête, pétrifiée par l’horreur. Comme un relent mélancolique, de rêves depuis longtemps effacés.
La fin du disque sonne comme une cloche de ring. Et ce combat nous laisse groggy , la bouche ouverte, les doigts caressant l’instrument imaginaire de Trane, dont les ondulations parfaites nous ont traversés , il y a quelques instants.. Et, tout comme la basse, le disque reste, immuable, dans nos veines enivrées d’un nectar mélancolique de choix, dont les vapeurs sucrées invitent à l’Aventure.