Un type poussiéreux au visage bouffé par une sombre crinière bouscule les portes du saloon, molarde dans le crachoir et s’accoude au bar. D’un regard entendu, il passe commande, le regard vissé sur la grosse qui se déhanche derrière le piano. Les plis de sa robe violette hypnotisent l’armée de vieux squelettes suspendus à ses mouvements maitrisés, un chérubin couvert de poils la guette d’en haut, juché sur le lustre ancien; des filets de bave dégoulinent d’entre ses lèvres rugueuses, des lèvres de vieux scélérat, puis s’étalent mollement sur les chapeaux en cuir de l’assistance. Petit à petit le liquide grignote les couvre-chefs, s’attaquant aux cuirs chevelus, dissolvant les tignasses, infiltrant les boites crâniennes : les mâchoires commencent à claquer, les muscles bouillonnent.. Un vieil indien enfonce son doigt dans l’œil du barman, les bouteilles fusent de toute part, la table de poker se renverse, un éclat de verre d’la taille d’une main en travers de la gorge l’indien s’affaisse et crache du sang sur les pieds d’un bandit notoire qui dégaine son colt, et une fraction de seconde plus tard le voilà qui plonge le canon de son cracheur de feu au fond de la bouche +BANG+ son crâne se fend et vomit de la cervelle, la matière gluante s’incruste dans les plis de la robe violette, entre les touches du piano, l’instrument s’ébroue et continue de gueuler, le chérubin a déployé ses ailes et voltige de droite à gauche en ricanant, mordant avec avidité dans les visages des pauvres damnés ensanglantés, la grosse ne s’arrête plus de tournoyer, dehors, un cheval à deux têtes s’agenouille en pleurant.