À la croisée des mondes, là où les arbres se courbent et prient, filait l’un des derniers cours d’eau de l’Histoire. Rivalisant de malice, il échappait à la traque incessante des Hommes-Loups, glissant entre les pierres et la tristesse des faons, orphelins romantiques, témoins du monde d’avant. Son onde était immense, limpide et éthérée. Pour tempo, le battement de coeur des oiseaux qui venaient s’y abreuver; le chant des fleurs tristes comme comptine au crépuscule – jamais seul, toujours en fuite, sans moyen de s’accrocher.
Encore et toujours bloquée dans les souvenirs, je voyage beaucoup, au nom de ton absence – je suis cette rivière qui fuit à travers les nervures du Monde, celle dans laquelle les petits d’hommes ont barboté à la lueur d’une Lune joyeuse et pleine.
Je crois qu’on tient là l’album le plus mélancolique de l’année, le genre d’album capable d’écraser nos âmes et leur faire mordre la poussière, tellement baigné de douceur qu’il m’est difficile d’imaginer un homme derrière sa composition, je veux dire, regardez ce que nous sommes et ce que j’ai fait, remonter le temps n’a aucun sens puisque c’est demain qu’il faut réparer.
Deadhead c’est le cri d’une Planète qui souffre et gonfle ses joues de colère, une boule de joie dans un Univers qui la broie, Open Heart comme chant mystique des Astres et des molécules, à la base de toute chose il y a ce désir de bouger, de déborder ses lignes et de se tordre, peut-on atteindre l’extase en s’immobilisant ? Je n’aimerais pas être une statue de marbre car même les rochers se meuvent, mais qui sommes-nous pour décider du sort d’autres que nous ? L’album entier est organique comme un cri d’amour d’une planète tolérant notre passage (pour combien de temps encore ?). Écoute Leaving The Grid et tu sauras ce que ressentent les oiseaux, puis recroqueville-toi sur Endless afin d’explorer le microcosme et l’infiniment petit, et si des larmes brouillent ta vision, dis-toi que tout ne s’arrête pas après ton dernier souffle, car le dernier ruisseau du Monde continue de s’élancer entre les pierres, en murmurant les plus beaux sons du monde vivant.