Une main agrippée au bourrelet pâle et mou de son ventre qui, sans gène, dépasse du petit short de plage, l’enfant lape joyeusement le cône citron que lui présente une femme aux cheveux roux. Derrière les deux silhouettes se dresse une tour d’ivoire, immense et triste, la face piquetée de hublots ronds. Les lèvres humides et sucrées du gamin répandent un doux fumet jaunâtre dans l’air, le soleil cogne de toutes ses forces, étouffant les plus paresseux dans leurs cocons. Que faire par une chaleur pareille? Les océans tirent la gueule et se vengent en changeant l’eau en vinaigre. Impossible d’y tremper son corps, les plus courageux y ont perdu leur odeur. Cela fait mille ans que l’Ennui règne en maître sur les ombres, mais le garçon se doute que dans cette tour d’ivoire il trouverait sûrement une salle de jeux climatisée. Sa glace finie, il prend la dame rousse par la main et l’entraîne vers la porte de l’immense construction, sans un regard en arrière. Ses parents ronflent sous un parasol déplumé depuis des mois, il n’a pas besoin de leur permission.
Cette histoire n’a pas de fin, à l’image de cet album qui n’a pas de corps. Il se contente d’étendre ses pensées, à l’abri des regards, comme le ferait un minuscule renard perché en haut d’une vigne ronde.
Une fois encore, je suis sous le charme.