Il ressemble aux pétards éventrés qui s’éternisent au milieu de la route, les lendemains de fêtes. De loin, on les pense inutiles, on les sait bousillés, mais si l’on se rapproche tout près, on peut entrevoir de minces relents de fumée s’échapper en volutes timides de leurs entrailles tièdes.
«Does your face hurt ?» interroge le petit musicien, assis au seuil de sa maison ; c’est bien le seul à qui l’ermite répondra avec honnêteté, baissant naturellement sa garde, pourtant hérissée de mille maux, bercé par les chuchotements sucrés de quelques oiseaux et le vent, joueur, qui entraînera dans sa course, le spectateur apaisé.
Cage assure sans trop en faire et le film atteint une sorte d’équilibre qui remue les tripes, touchant du bout du groin des cordes fébriles, tourmentées et tendues vers la lumière. Le poids de l’Absence est immense, impossible à porter. Il écrase quasiment tous les plans, ratatinant les âmes et les corps de ceux qui faiblissent, sans jamais renoncer.
Lorsque, enfin, se présente l’occasion que tout le monde attendait, le film se drape d’une sobriété toute féline, qui a de quoi ensorceler : le ballet orchestré en cuisine par le duo improbable est aussi fulgurant qu’une étreinte, aussi enchanteur qu’un souvenir réincarné. Pour l’Homme aux mains de Feu, difficile de résister à l’envie brûlante et jubilatoire de renouer avec sa raison d’être, de créer l’incomparable en y mêlant échec et souvenirs, l’âme continuellement rongée, la face toujours en bouillie.
Pour qui, dévoiler tout son Art ?
Si l’être aimé n’est plus, je crois qu’il faut tenter de vivre, et cette fois pour de bon.