Benoît Jacquot , 2012


D’un rêve ou d’un cauchemar, nous voilà prisonniers, enchaînés à Sidonie, liseuse éberluée qui dès le début, se fait des films, ponctuant ses lignes de gratouillements discrets, se nourrissant des regards de La Reine, ne vivant que pour la servir, la satisfaire, l’aimant à en crever. D’un coup de langue à l’éclat vermeille, Marie Antoinette brise les espoirs de la fillette, qui sans sourciller accepte la concurrence, oui, mais pas les remontrances. Ma Reine est malheureuse, mon âme absorbe sa douleur, Ma Reine rigole et s’épanouit, mon corps se drape de sa lumière, et puis d’un plan à l’autre mon coeur s’éclate contre les murs, éclaboussant les tapisseries de mon amour. Face à cette humble gamine transparente se dresse Gabrielle de Polignac, imbue, glaçante, celle dont on prononce le nom en tremblant, de haine ou de respect? A l’aube d’une révolution sanglante mais nécessaire, on se colle à Sidonie, l’échine courbée, courant maladroitement dans ce château malade, au murs gangrenés et crasseux, qui lentement, s’effritent et contaminent ses habitants. Il y en a qui fuient, d’autres qui meurent, mais Sidonie, elle, demeure, rongée par son amour, aveuglée par la robe soleil de sa Reine, petit rat en peine qui respire au rythme de la caméra. Versailles cogite, Versailles s’agite, la psychose revêt des habits de gardes suisses, profitant même d’une belle après-midi d’été pour se laisser lentement couler au fond d’une gondole, clapotis cristallins de l’eau souillée, il est trop tard, le cadavre du rongeur, tour à tour exhibé puis intimement frôlé les mord, la Mort, entre les livres se faufile pour un dernier baiser..