Elle a dans ses yeux l’obstination farouche de toutes nos Mères à l’agonie, lorsque souffrent les enfants. Elle qui connait les faiblesses de son fils sur le bout du coeur et le génie de sa fille au creux des doigts, imprégnée de l’odeur des reflets oubliés, la voilà affairée à la lueur de la lune : ses mains expertes cajolant ses sauterelles, les nourrissant, les déplaçant. À l’abri des regards, sous les souffles de plastique blanchâtre, elle a tout pouvoir sur les insectes comestibles : se jouant des attentes, elle allume leur suffocation sans sourciller, tandis que les bestioles tendent vainement leurs antennes vers le ciel, engloutissant les étoiles. Dans de tels endroits, seuls les cauchemars ont leur mot à dire et Dieu qu’ils en profitent. Ils sont sous terre et creusent des trous instables, pesants, de plus en plus gros. La foudre a pris pour habitude de frapper leur famille de plein fouet, sans relâche, sous l’oeil narquois de la misère qui guette, planquée non loin de là, la langue pendante, l’écume aux lèvres.
Que peut une femme seule, mère de surcroît, face à la lâcheté d’un quotidien de plus en plus cruel ?
Se donner corps et âme à son élevage d’insectes hyper protéinés.
Je prends tes formes et tes rêves pour les fourrer dans un coussin aux coutures noires, nous sommes vides, VIDES, avec du liquide bouillant à l’intérieur, l’argent tombe pas du ciel tu sais, les gens parlent, lambeaux irisés aux rêves tièdes, l’hiver sera rude si je ne trouve pas une solution tout de suite.
Perchée au bord du gouffre, j’remonte doucement la manche de mon pull afin de présenter à l’insecte mon bras livide, gorgé d’un sang qui pulse contre ma chair au rythme d’une symphonie macabre. Cette prison de terre nous retenait, mais grâce à ce nouvel élevage je vais nous sortir de là, tu verras, la honte et la misère qui nous collent à la peau ne seront bientôt plus que de l’histoire ancienne, encore quelques sessions dérangeantes, une mise à nu totale pour croquer le profit du bout des dents, je ne me sens pas plus coupable, d’ailleurs je ne sens plus rien du tout, mes jambes fléchissent et mon coeur ploie, lacéré par nos songes de vie meilleure, je ferai tout pour vous –deux.
La Nuée a l’odeur de la Révolte qui gronde en chacun de nous et qui fait mal à en pleurer, mal à s’en dissoudre les veines. Les doigts plongés au coeur d’un tourbillon d’insectes bouffeurs de sang, cette mère de famille désespérée est certes en train de perdre la tête, oui, mais ne se détruit-elle pas pour construire l’avenir des siens ? Le film prend son temps et nous bouscule petit à petit, à la manière d’une sauterelle grignotant nos os d’une avidité toute contenue. L’horreur de ces nuages vivants noircissant un ciel déjà gris fait écho aux relents pourris d’un quotidien aux côtes de plomb que les protagonistes se trimballent d’un plan à l’autre, tordus par des mains invisibles et néfastes que rien ne semblent pouvoir arrêter.
à moins que..