American Mary
Mary, La main gantée de noir, enfonce avec vigueur la pointe d’un instrument chirurgical dans le pli mollasson d’un abdomen flasque, placide, le ventre gras d’une volaille trépassée. Ses iris flamboient, envoutés, comme nous, par cette concentration frénétique qu’éprouve la jeune femme à chacun de ses coups de scalpel, son autonomie appelant, dès le début, à la démesure de ses pratiques. L’épiderme de ses clients a beau suinter la démence, Mary n’y prend garde, allant même jusqu’à les couvrir malicieusement du regard, appuyant avec une avidité toute enfantine sur le bouton de son appareil photo. Sa nonchalance n’est que tromperie, une sorte de carapace déployée à la tronche des types qu’elle croise et qui l’importunent, une sorte de bouclier qu’elle rejette à l’envie, et qui, une fois à terre, amplifie son génie à l’infini. La force du personnage réside dans sa capacité à absorber les êtres et le décor, peu importe le lieu, les interlocuteurs, la silhouette de la jeune femme s’impose à la manière DU créateur que l’on oserait toucher, sous peine de voir notre corps se transformer diaboliquement en une enveloppe flétrie et inutile, fascinante à regarder mais si peu encline à satisfaire nos besoins d’humains qu’il ne nous resterait qu’à l’abandonner.