Au détour d’un sentier fragile, une louve grise vient remuer la Terre. Son pelage froid reflète la joie des astres, ses crocs déchirent des brins de thym fugueur. Au centre de ses pupilles, un étang de remords attire des cygnes qui s’y posent sans bruit. Puisque leurs ailes frémissent, c’est qu’il n’est pas trop tard. La louve fourre son museau dans un terrier d’argile, les parois tendres ondulent et crient. La nuit, ivre morte, lui souffle un poème triste. Ses oreilles bourdonnent comme une ruche pleine à craquer d’insectes, sa langue de chat absorbe la boue salée des marais. Des petites flammes bleues apparaissent soudain, grignotant son pelage. Absorbée par ses rêves, elle n’entend pas les pas de l’homme qui s’approche dangereusement. Il cale son fusil au creux de son épaule et tire. Un tourbillon de poudre virevolte dans les Ténèbres puis recouvre la pointe de ses bottes noires. Couteau à la main, il s’agenouille et entreprend de dépecer la bête. Il dépose les rectangles tièdes au pied d’un arbre puis s’éloigne pour pisser. Un écureuil ébouriffé dégringole du tronc, renifle le tas sanguinolent et se sert allègrement. Il emporte avec lui autant de lambeaux que ses petits bras le permettent. Le cœur de l’arbre a été aménagé par ses soins en atelier de couture. Il s’installe sur son tabouret en noisettes et se met à l’ouvrage. D’autres royaumes s’éteignent et naissent tandis que ses pattes s’activent ; les aiguilles de pins abîment ses doigts mais il ne faiblit pas. Dehors, le printemps s’installe tranquillement, couvrant la forêt de son manteau d’orgueil et de ses chants. L’écureuil a terminé. Il se redresse et contemple son œuvre. Un sweat aux reflets cuivrés, orné d’un drôle de bonhomme tout doux, dont le regard gourmand se perd dans ton ombre.