J’ai arraché une page du livre que j’écrirai jamais pour te confier ces quelques lignes, sorte d’offrande matinale dont l’encre noire met du temps à sécher; j’ai les doigts couverts de taches. Dans le cercle vide, I celebrate myself. Les bras croisés sous le menton, je grignote l’ongle de mon pouce en songeant à tous ces atomes qui dérapent et aux traces de morsures qui couvrent mon cou, comme une écharpe impossible à dénouer. Les nuits transportent mes rêves et tes cauchemars sur une civière trouée qui pue la Guerre et la naphtaline. On a les semelles vacillantes de ceux qui ont trop subi, de ceux qui en ont trop bavé. Au sol, les trous boueux se multiplient. Pourtant, I can’t unseen ce que j’ai vu ni ce que tu m’as montré. ça parait dingue, je sais, mais je croyais que la lumière magique qui brille au fond de tes yeux était immortelle, que c’était un bout de ton âme qui brûle en silence, à la manière des spectres, et qui m’invitait à me poser un peu, entre deux batailles. Je ne remets pas mon épée dans son fourreau car je veux qu’elle s’abreuve une dernière fois de ta Lumière et de tes Ténèbres; un Loup à trois pattes trottine dans notre direction. Je frissonne. Alors tu te mets à fredonner un air tout en me serrant contre toi. Mes bras s’enroulent autour de ta nuque tandis que nos lèvres se cherchent, se trouvent et fondent en silence.