Toi, dont l’ouvrage favori n’est autre que le Petit Prince, as-tu songé à protéger ta rose ?

Elle est entrée pleine de courroux dans ma fragile clairière, sa robe de feu claquant sur ses talons. Carbonisée de l’intérieur, j’ai trimballé mes plaies à vif un long moment, sans rechigner, l’esprit hagard et l’âme malade de celles que l’on enferme chez les fous et que l’on oublie vite, très vite, parce qu’elles ont un corps qui dérange à trop s’étendre et s’agiter, les dents qui craquent et les gencives qui saignent mais promis ! J’avale mes cachets, les tiens avec s’tu veux, t’auras moins à porter, j’ai l’estomac solide, allez ! donne !

Le Garçon et le Héron déploie ses ailes avec une agilité coutumière et se pose là en véritable condensé de tout ce qu’Hayao Miyazaki a fait de mieux. Il y a des morceaux de lui, de son âme et de chacune de ses œuvres précédentes éparpillés dans chaque plan, dispersés dans chaque plume. D’une main de maître expérimenté, le chef d’orchestre conduit la valse des éléments et des textures avec fougue, révélant les traits de caractère de ses personnages dans toute leur complexion. Le cadre ne cesse de se gonfler et de s’étendre au rythme de la musique et des multiples effets sonores maîtrisés; mais moi, ce qui m’a mis’ K-O, c’est le charme du film qui ne cesse de s’accroître de minute en minute, jusqu’à frôler l’Infini du bout des ailes et nous faire perdre toute notion du Temps. 

Le gosier saturé de Warawara, un pélican blessé abandonne les cieux ardents à contrecœur et se pose sur le pont vermoulu du bateau triste. N’aie crainte, toi dont les yeux brûlent d’une lueur magique un tantinet revêche, tends tes doigts ! 

« Mais si les bouts se touchent 

Et que nos mains s’entrecroisent » 

Le bec du Héron Gris a maintes fois triomphé de la Mort.